Économie, Afrique

« Politique, tu m’as tué », crie le Franc congolais

- La danse lugubre du Franc se poursuit malgré les efforts de la BCC pour y remédier ; échangé à 945 FC contre un dollar américain fin 2015, ce dernier s’échange aujourd’hui contre à 1350 FC.

Mohamed Hedi Abidellaoui  | 24.03.2017 - Mıse À Jour : 25.03.2017
« Politique, tu m’as tué », crie le Franc congolais

Kinshasa


AA/ Kinshasa/ Pascal Mulegwa


Le franc congolais (FC) subit une perte de valeur depuis une année face au dollar américain et les petits ménages en font les frais. La crise politique qui secoue le pays depuis bientôt deux ans y est pour beaucoup.

Plus grand pays d’Afrique centrale et riche en matières précieuses, la RDC n’a enregistré qu’un taux de croissance de 2,5% en 2016 contre 7,7% en 2015, selon la Banque centrale du Congo (BCC).

Le budget national est, quant à lui, passé de 9 milliards de dollars américains en 2015 à 4.5 milliards en 2017, enregistrant une baisse de 50 %.


- Le Franc se porte mal


La danse lugubre du Franc se poursuit, elle, malgré les efforts de la BCC pour y remédier. Échangé à 945 FC contre un dollar américain fin 2015, ce dernier s’échange aujourd’hui contre à 1350 FC, selon l’Institution monétaire congolaise. Cette chute vertigineuse de la monnaie a significativement impacté le panier des ménages et surtout du petit fonctionnaire de l’Etat, ne savant plus à quel saint se vouer. « Les agents de l’Etat ont perdu près de 50 % de leur pouvoir d’achat. Le salaire n’a pas évolué alors que les prix des biens de première nécessité ont augmenté de 40 % », fait remarquer Fidèle Kiyangi, président du syndicat des fonctionnaires de l’Etat en RDC, dans une déclaration à Anadolu.

Selon la même source, tous les indicateurs sont au rouge. « Le fonctionnaire qui touchait 90.000 FC (100 USD) en 2015, perçoit aujourd’hui 66.6 USD contre la même somme en monnaie locale, compte tenu du nouveau taux de change, explique-t-il.

En Juin 2016, le Fonds monétaire international (FMI) avait averti, dans un communiqué, que la croissance économique en RDC était freinée par l’incertitude politique. L’économie congolaise « devrait rester soumise à des vents contraires, notamment la lenteur de la croissance dans les pays avancés et émergents, le durcissement de la situation financière internationale, et les incertitudes pesant sur la situation intérieure », a ensuite, précisé le FMI.

Les difficultés de la conjoncture extérieure, conjuguées aux incertitudes de la situation politique intérieure, ont continué d'impacter négativement la croissance économique, les finances publiques et la balance des paiements, selon l’institution de Bretton Woods.

- Chute des cours des principaux produits d’exportation


Depuis la mi-2015, le pays subit des chocs négatifs, dus à la chute des cours de ses principaux produits d'exportation dont le cuivre, le cobalt et le pétrole. Ces chocs ont provoqué « une contraction de l’offre des devises sur le marché », a affirmé samedi dernier Jean-Louis Kayembe, directeur général chargé de la politique de la Banque centrale du Congo (BCC), au cours d’une conférence à l’Université libre de Kinshasa.

Pour remédier à cette crise, la BCC est, à maintes reprises, intervenue sur le marché en émettant des dollars contre 250 milliards de franc congolais, mais elle n’a pas pu stopper la crise. Cette intervention devait permettre, selon Kayembe, la circulation intensive des dollars et la réduction du taux de dépréciation du franc congolais.

S’attardant sur les raisons de la crise financière, le spécialiste des finances Timothée Bakam souligne que la crise sociopolitique déclenchée en 2015, a suscité la méfiance et le recroquevillement aussi bien des entreprises que du citoyen lambda.

Une bonne partie de la population a, en effet, perdu confiance en les autorités. « Il est un facteur psychologique très puissant : la peur du lendemain » qui pousse les citoyens ou les grands teneurs à épargner à l’étranger ou à réduire l’activité de leurs capitaux, explique Bakam.


- Ressources naturelles mal exploitées


La RDC est potentiellement riche mais le pays est classé parmi les moins développés et est indexés parmi les plus affectés de la planète. Couvrant près de 2,5 millions de km2 et vaste comme quatre fois la France, ce pays d’Afrique centrale affiche des taux de pauvreté parmi les plus élevés au monde. Le dernier rapport du Fond monétaire international (FMI) datant de 2015 a confirmé cet état de fait. En moyenne, le produit intérieur brut (PIB) par habitant s’élevait à 394,25 dollars par an, soit 32,8USD/mois ou 1USD/jour, s’agissant de la même période. Au total, 87,7% de Congolais vivent en dessous du seuil de pauvreté, aujourd’hui.

Le pays traverse, par-delà, une crise politique depuis la réélection contestée de Joseph Kabila en 2011. Cette crise s’est accentuée par la non tenue des élections, dont la présidentielle qui devait avoir lieu en novembre 2016. Joseph Kabila s’est ainsi maintenu à la tête du pouvoir bien que son deuxième et dernier mandat constitutionnel a pris fin le 19 décembre dernier.

Un accord politique signé le 31 décembre à l’issue d’un dialogue sous la médiation des évêques de l’Eglise catholique a consacré la formation d’un gouvernement d’ouverture, dont le premier ministre sera issu de la coalition de l’opposition que dirigeait l’opposant « historique » Etienne Tshisekedi, décédé le 1er fevrier dernier en Belgique. Mais les tractations se poursuivent et le bout du tunnel semble être encore loin.

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