Économie

Algérie : Tour de vis aux importations inconsidérées

- Le déficit de la balance commerciale a atteint en 2016, 17 milliards de dollars.

Hatem Kattou  | 28.03.2017 - Mıse À Jour : 29.03.2017
Algérie : Tour de vis aux importations inconsidérées

Algeria

AA/ Alger/ Khedidja Baba Ahmed

Une nouvelle réglementation vient d’être promulguée en Algérie pour régir les importations et agir d’une manière drastique sur les dépenses en devises du pays. Quelles sont les mesures prises ? Qu’est ce qui les justifie et comment ont été perçues les nouvelles mesures prises par les autorités ?

« L’économie nationale est en danger tant que des sommes faramineuses se perdent en importation de futilités ». Le propos est celui du ministre du Commerce, par intérim, qui allait annoncer un tour de vis sans précédent dans l’organisation des importations qui évoluent dans une « anarchie qui a régné jusque là » et là aussi c’est le ministre lui-même qui parle d’anarchie.

Le déficit de la balance commerciale a en effet atteint 17 milliards de dollars en 2016 soit, ose encore un responsable du secteur du commerce, « l’équivalent du budget de plusieurs pays de notre continent ». Quant aux réserves de change qui étaient de 194 milliards d’USD en 2013, elles ont fondu pour se situer à 114 milliards USD à fin 2016. Or, est-il normal de continuer à utiliser ces réserves de change pour payer n’importe quoi et de ce n’importe quoi, il est vrai, les étals algériens en regorgent.

Des sommes faramineuses pour tout et n'importe quoi

Des sommes officielles sorties des banques en devises ont été fournies par les autorités pour ce qu’elles considèrent aujourd’hui comme superflu et il est vrai que ces chiffres laissent pantois : 74 millions de dollars pour l’importation de chocolat ; 11 millions de dollars pour les pâtes ; 10 millions de dollars pour les olives ; 30 millions de dollars pour les biscuits…et la liste est beaucoup plus longue.

Est-ce à dire que ces produits ne sont pas fabriqués dans le pays ? Assurément non et beaucoup de produits de cette liste l’étaient, tout au moins pendant une période où ils ont tenté de résister, jusqu’à ce que les patrons des PME qui les produisaient ont dû, pour certains, fermer leurs usines et pour d’autres, tenter de faire face à la dure concurrence en attendant des jours meilleurs.

S’il fallait décrire cette situation, un terme parait le plus indiqué : le maquis des importations. Ce maquis ne date pas d’aujourd’hui. Il s’est renforcé, encouragé par l’embellie financière induite alors par les prix élevés du pétrole et le silence complice des services de l’Etat. Certains de ce dernier trouvaient leurs comptes par l’octroi non transparent des autorisations d’importation.

Plus globalement, au haut niveau de l’Etat, inonder le marché par tous types de produits, y compris les produits d’aucune utilité évidente, constituait un des moyens adoptés pour calmer les tensions sociales. A voir les étals de magasins et marchés d’Algérie, le citoyen avait l’illusion de la surabondance. L’on vous donne tout, de l’utile au superflu, quel qu’en soit le prix, pourvu qu’il n’y ait pas d’émeutes et de remise en cause du pouvoir.

Aujourd’hui, toutefois, la conjoncture faste de la manne pétrolière a disparu avec la chute des prix du pétrole. Les décideurs ne peuvent plus, objectivement, poursuivre dans cette démarche. « On va tenter de baisser le niveau des importations de 15 milliards de dollars. Il s'agit d'une annonce faite par le ministre du Commerce par intérim (l’ancien est décédé) .

Arrêter d'ouvrir le pays aux quatre vents

« L’Algérie ne pourra protéger son économie, tant qu’elle restera ouverte aux quatre vents et servira de poubelle à des produits de septième et huitième nécessité ». Des propos chocs émanant encore du responsable du portefeuille du commerce. Comment va agir le gouvernement ? Le défi est colossal : baisser de 10, voire de 15 milliards de dollars la facture des importations. Lorsque l’on sait que plus de 32.000 sociétés activent dans l’importation et que l’Algérie importe plus de 50.000 produits finis, l’on mesure la dimension de la tâche.

Une commission ad hoc a été créée pour assainir le fichier des importateurs. En dehors des produits de première nécessité et identifiés : le sucre, l’huile, le café, le thé, les légumes secs et les céréales, les autres produits finis, vendus en l’état, feront l’objet d’une licence d’importation. Les intrants ne sont pas concernés par ces nouvelles mesures.

Quant à l’importation de véhicules en 2017, cette question sera fixée début avril. D’ores et déjà l’on évoque 40 à 50.000 unités autorisées à l’import. Ce chiffre atteignait 98.000 unités en 2016. Rappelons que par ailleurs l’Algérie a imposé aux constructeurs automobiles (Renault installée en Algérie depuis plus de 2 ans et Hyundai et Volkswagen plus récemment, l’installation d’usines de montage pour pouvoir accéder au marché algérien. Les licences d’importation ne seront données qu’aux seuls concessionnaires agrées auprès du ministère de l’industrie et des mines.

Alors que les années précédentes les licences étaient données à une poignée d’importateurs, l’on promet aujourd’hui de multiplier leur nombre. afin d’éviter qu’un monopole ne s’installe dans ce créneau.

Les autorisation d’importation se feront, dit-on du côté des responsables, sur la base de critères de transparence et de non discrimination dans les quotas, comme ils donneront lieu à l’introduction de recours. L’année dernière, l’importation des véhicules a fait couler beaucoup d’encres et les tergiversations sur les quotas et le nombre d’importateurs a fait beaucoup de victimes tant auprès des concessionnaires déboutés que des citoyens ayant réglé leurs véhicules auprès de ces concessionnaires qui n’étaient plus autorisés, tout d’un coup.

L’opinion partagée sur ces nouvelles mesures

Pour le ministre du Commerce, toutes ces nouvelles dispositions visent à réduire fortement le niveau des importations mais elles cherchent également à contrôler les prix, les quantités et la qualité et ce, dans le respect total des partenaires internationaux. Cette obligation de respect des termes des contrats internationaux a conduit le ministère du commerce à saisir, cette semaine, le gouverneur de la banque d’Algérie pour l’ouverture de la domiciliation bancaire pour les licences d’importations et les contingents tarifaires de biens et marchandises auprès de l’Union européenne au titre de l’exercice 2017.

C’est là une première limite à toutes les velléités d’organisation et ce n’est pas la seule. Nombreux sont ceux qui affichent un scepticisme quant à l’applicabilité des mesures prises. D’autres au contraire applaudissent à cette reprise en main d’un secteur pollué par les mafias de l’import.

Lorsque l’on convoque la fibre patriotique des citoyens en évoquent « l’argent jeté par les fenêtres ; l’argent en devises fortes dépensé dans des futilités, ou encore les entreprises algériennes qui croulent sous la concurrence de produits analogues aux leurs mais importés", le commun des algériens est naturellement sensible à ces arguments.

Très vite cependant, des voix s’élèvent pour relever que si la volonté de mettre de l’ordre dans ce magma des importations semble là, la situation des importations a été tellement abandonnée par les pouvoirs publics qu’elle a permis d’installer des barons connus sur la place d’Alger et qui sont très difficilement détrônables aujourd’hui.

Beaucoup évoquent également l’épineux problème de la contrefaçon qui a envahi le marché algérien. Plus de 800.000 articles de contrefaçon ont été saisis en 2016 et ont touchés essentiellement et dans l’ordre d’importance, les articles de sport ; les pièces détachées ; la quincaillerie ; les lunettes et montres ; les produits électriques et les articles scolaires.

Si ces saisies ont pu l’être, beaucoup de produits échappent à la vigilance et sont à l’origine d’accidents, notamment domestiques. Aussi, les associations de consommateurs ne cessent de réclamer des moyens plus rigoureux de contrôle dont les laboratoires d’essais et de contrôle, très insuffisants sur le territoire.

Globalement les citoyens sceptiques quant aux nouvelles mesures considèrent qu’il aurait fallu préparer cette nouvelle organisation et surtout débureaucratiser son circuit pour éviter les goulots d’étranglement et leurs conséquences sur les pénuries à venir et qu’ils redoutent. Ces sceptiques se demandent d’ailleurs si le gouvernement ira jusqu’au bout de cette volonté. Quant à ceux qui applaudissent, ils y voient un début d’encouragement à la production nationale.

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